Au-delà des spécificités vestimentaires, Luna savait faire parler son corps, le langage de la séduction. Elle mariait avec doigté les mouvements qu'elle perfectionnait chaque fois davantage avec l'expressivité de son regard, elle exprimait émotions, sentiments et idées. Consciente qu'elle le subjuguait, elle redoublait pour le tenir dans une béatitude en parlant justement à son esprit par sa gestuelle plurielle et captivante et ses regards suggestifs et langoureux. Là où le regard se dirige, l'esprit conquis le suit pour faire exploser l'âme dans une suprême joie. Certaine de ses atouts, elle attendait avec impatience le jour où il parlerait à ses secrets. Esclave et démunie, elle n'avait que la danse pour communiquer à celui qui habitait son cœur et son esprit, son corps et sa vie.Cette nuit-là, elle avait décidé d'aller plus loin en s'imposant une nouvelle technique, un rythme et un apparat différents. En fait, elle ne faisait que suivre les méandres d'un rêve qu'elle avait fait la veille. Elle se voyait dans un champ tout en fleurs et soudain tout se mettait à brûler autour d'elle, alors elle se sauvait en courant droit devant en criant de toutes ses forces. Puis tout s'arrêtait et redevenait comme avant, et là apparaissait un homme sur un cheval blanc. Il lui souriait en lui tendant le bras pour la cueillir et la hisser en califourchon devant lui. Alors qu'elle s'approchait de lui, le cheval se transforma en un gigantesque serpent qui s'enroula autour de Yazan qui se mit à hurler. En une fraction de seconde, il l'avala tout entier en expulsant de sa gueule horrible ses habits et ses ossements. Le cœur battant à rompre, la peur habitant ses entrailles, elle se réveilla en sursaut tout en sueur. Enfin, elle prit conscience que ce n'était qu'un rêve, peut-être prémonitoire, et qu'il fallait parer au plus pressé. Oui, il fallait passer à l'action et conquérir son cœur et son corps en même temps.Son ventre plat et étincelant se mit à se mouvoir dans un geste affolant. Luna imprimait à son corps un mouvement spiral composé de variations ondulatoires et sinueuses. À ce jeu de pyramides, elle associait des gestes saccadés et vibratoires qui donnaient à son corps fluidité et électricité. Luna progressait dans la célébration charnelle de sa féminité avec en tête une seule idée : faire de Yazan son amant sinon le maître de son corps. Quelques nobles étaient là ainsi que certains Prieurs. Yazan ne quittait pas une seule seconde ce corps fabuleux qui exécutait des arabesques aussi troublantes et lascives qu'incendiaires. Oui, il brûlait de l'intérieur, mais n'avait nullement le choix. Il était en haut, elle était en bas. Pour faire sensation, elle s'était drapée d'un léger voile fin et transparent pour mieux aguicher son seul soupirant. Elle appliquait sciemment et savamment l'exhibition du corps dans la séduction. Elle manipulait le voile en tulle en le faisant tantôt voler avec élégance et tantôt virevolter autour de son corps pour accentuer ses ondoiements. Le voile docile adhérait aux gestes du corps en se dessinant et en se dépliant tout en suivant les accélérations des mouvements de la danse. Luna régnait en maîtresse absolue sur tous les sens en usant judicieusement d'érotisme et de décence. Selon ses mouvements, elle s'offrait un instant pour se dérober le suivant au regard. Yazan aimait ce jeu-là et il s'appliquait pour épingler le moment fatal où le voile, enfin, tout dévoile. Cette nuit-là était toute spéciale, car Luna y excellait dans l'art de moduler le voile pour rendre magnifiques ses mouvements où se reflétait l'expression tamisée du plaisir. Dans ce jeu du oui et du non en même temps, Luna cachait en montrant et montrait en cachant en interpellant les sensations et l'imaginaire à transcender les frontières de l'intimité.