Tout est de travers. Le faux est à l'endroit, le juste à l'envers. Écoute la voix du silence ! Il chuchote, il se parle en se disant des choses qui nous appartiennent. Écoute cette mémoire millénaire qui arpente l'histoire, les mains derrière le dos, pareille au censeur qui peine sous sa peau. Il accentue le pas de ces cent pas d'un sans-papiers aux abords du temps que la vague ténébreuse de la cité a depuis longtemps rejeté.Écoute le conciliabule entre passé et futur à propos du présent qui s'apprête à mourir dans le ventre simplement ouvert du temps ! C'est simple et pas du tout composé. Les termes de notre encyclopédie, cet alphabet savant qui nomme et renomme au goût des sommités, les choses de la vie. Les mots qui inventent les idées qui nous emprisonnent avec les moutons de nos esprits. Quelle merveille, ce troupeau robotisé ! Abruti jusqu'au dernier octet, il broute gentiment les idées bâtardes de la garce aurore !Écoute le silence se taire sur les ultimes propos d'un citoyen de la Terre qui vit les affres de l'enfer dans ce monde tortionnaire ! Tous les hommes ne sont égaux que par le sexe disait enfin mon père. Ils sont masculins ou féminins, dit encore mon frère. Les gens du monde sont si beaux, ils brillent de tous leurs feux ; leurs dents où le sourire est si blanc sont comme des soldats à la merci du brillant des yeux où se saoule l'éclat aux vapeurs des alcools et de la finesse des jeux. C'est la mondanité qui se promène nue, aux abords de quelques semblants d'habits, si fins, si ténus, des fils sans aiguilles et des frous-frous en guise de tissus.La trêve éphémère s'installe sur la grève. Elle s'allonge sur le sable nu qui s'offre à la vue le long de cette plage où le temps, seul dans les parages, se creuse les méninges. Il doit en urgence trouver une solution à ces ombres qui s'étirent en bord de mer en foulant de leurs pieds menus le tapis blond. Leurs cris espiègles se joignent aux piaillements de quelques oiseaux habitant encore le ciel de Gaza la rebelle.Il ne se passe pas un jour depuis le début de l'agression sans qu'il n'apporte son lot de souffrance et de misère. Gaza compte ses morts et ses nuits sont plus terribles que ses journées, car profitant du noir, la peur titille les murs gélatineux de la folie. Le cauchemar habite les cœurs et les esprits, les maisons et les rues et chaque parcelle de terre ainsi que chaque lambeau de la peau des enfants. Les explosions sont effrayantes avec leurs bruits pétrifiants et affolants. Les enfantelets se ramassent sous les corps tout aussi tremblants de leurs parents qui souffrent doublement de voir leur progéniture subir une insondable frayeur.L'affolement est là, il s'installe dans la durée pour ne plus quitter la cité où l'angoisse se niche dans le cœur des hommes inquiets et des femmes effarées. La crainte se lit sur chaque mur et la hantise se loge dans toutes les maisons où l'horreur devient de plus en plus grandiose.À Gaza on assassine les gens sous le regard numérique des télévisions. Gaza, le cinéma, grand écran, se joue de la réalité en imposant sa propre vision. La fiction dépassant celle-là, elle crée la mondovision dans une production des plus spectaculaires.Là, entre deux yeux, une explosion souffle un bâtiment avec tous ses occupants. En fait, il s'agit des habitants auxquels on avait attribué le rôle de figurant dans cette nouvelle réalisation hollywoodienne.D'autres immeubles, pour le même besoin, connaissent le même destin. Ils s'écroulent sans donner le temps aux morts en sursis de prétendre encore à la vie. À la merci de la terreur, ils subissent la loi de la jungle que le vingt et unième siècle consacre sans égards au mépris de tous les testaments et édits.