Telle que je la connaissais, j'imaginais bien qu'elle chercherait à en avoir le coeur net. Elle se glisserait hors du lit à la recherche du portable et l'allumerait. Grande serait sa surprise. Je comptais sur mon nouveau mot de passe. Après de multiples tentatives de décodage, l'appareil se bloquerait. Frustrée, Catherine retournerait se coucher. J'avais pensé à tout, mais d'une façon ou d'une autre, elle tenterait d'obtenir gain de cause. Savoir c'était prévoir. Sa détermination était sans bornes. Si elle avait su ce que je savais, elle m'aurait tué ! Naïve jusqu'à l'insouciance, Soukeyna ne se rendait jamais compte de la souffrance qu'elle m'imposait. Était-ce donc si enviable d'être une femme sublimée, existant avec force dans les fantasmes d'un homme pourtant désiré, mais jamais chevauché ? Être et demeurer une femme sur piédestal, telle une icône précieuse, sacralisée, objet de culte d'un rite barbare. Que se passerait-il donc si, comme je l'y invitais, elle descendait du socle consécratoire ? Si, rompant la magie d'une abstinence sacrificielle, elle se livrait à sa nature, en l'absence de cette chimère qu'est la vertu ? Si elle arrêtait de régner dans l'idée, et s'engloutissait dans la chair et le péché, au royaume des humains, ici-bas, avec moi ?